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Le Blog de Michel Benoit
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Le Blog de Michel Benoit
30 juin 2014

Ommonville la petite et Jacques Prévert

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C’est un coin de terre perdu au bout du monde. Un vieux massif qui refuse de dire son âge et toise la mer de ses puissantes falaises, solidement arc-bouté sur son socle de granit pour mieux résister aux tempêtes et aux pluies venues de l’Atlantique. Ce sont elles qui ont décidé de sa nature austère et de sa végétation têtue. Surtout ne pas grandir. Rester ramassé pour ne pas offrir de prise au vent et profiter de la clémence du climat, ni trop chaud ni trop froid du fait de la présence du Gulf Stream, pour étaler ses couleurs et des paysages de landes que ne renierait pas un jardinier irlandais.

Le pays de la Hague est ainsi. Ancré à la pointe nord-ouest de la presqu’île du Cotentin, il est comme « un conte aux pages de bruyères serties dans une reliure de granit », s’émerveille le romancier Didier Decoin. Rude et l’instant d’après tout en promesses, prêt à livrer ses trésors à qui veut les découvrir.

Chemins en creux, bordés de murets de granit dans ses bocages. Sentiers douaniers tracés à fleur de falaise dans des buissons touffus ou paressant le long des plages. Villages aux maisons serrées comme pour mieux se réchauffer. Le tout sur fond d’une incroyable symphonie de couleurs.

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Celle des bruyères mauves, des ajoncs d’un jaune intense, des fougères vert tendre et des arbres aux troncs sombres couchés par les tempêtes. Celle aussi de la mer, toujours changeante, gris plombé et menaçante puis, l’instant d’après, parée des teintes marine, émeraude ou turquoise des mers du Sud. « Des couleurs à bouleverser les peintres », disait Jacques Prévert, qui avait découvert la région dans les années 1930 avec ses amis du groupe Octobre. « Des plages désertes à perte de vue… De petites routes, étroites, qui mènent nulle part et partout… et la mer qui claque sur les rochers. »

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Quarante ans plus tard, fuyant la Côte d’Azur, c’est là que Prévert choisit de s’installer. Parce qu’il aime cette terre, mais aussi parce que sa fille, anorexique, s’y épanouit et que certains de ses amis ont déjà colonisé les lieux. Comme l’artiste peintre André François, illustrateur de quelques-uns de ses livres. Ou le décorateur de théâtre et de cinéma Alexandre Trauner, qui a travaillé avec les plus grands (Carné, Losey, Huston, Billy Wilder) et qui, pour son ami Prévert, recompose la maison que le couple achète à Omonville-la-Petite.

La demeure modeste est plantée dans cette terre humide et grasse qui fait les beaux jardins. Celui, minuscule, qui précède la maison et où s’étalent des « rhubarbes » d’origine brésilienne (gunneras) aux feuilles géantes et vernissées et des tournesols que le poète affectionnait.

Son atelier et son jardin, une salle de lecture, un film sur sa vie, une exposition sur son oeuvre et celle de ses amis peintres et écrivains permettent de rentrer dans l’intimité de l’oeuvre de Jacques Prévert.
Dans le petit cimetière d’Omonville, les deux complices, Trauner et Prévert, reposent aux côtés de Janine Prévert, sa femme et de Michèle, sa fille.

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