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Le Blog de Michel Benoit
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5 mai 2014

Marc Larreguy de civrieux

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L’histoire est tragique et véridique. Un père, Louis de Larréguy élève  son fils Marc  avec amour  afin  d’en faire un homme  épris des arts et de la libre pensée…Le temps de l’enfance passe et le père observe  avec satisfaction que son fils adolescent est devenu tel qu’il le souhaitait, un jeune homme humaniste et poète à ses heures… Marc, au fil de ses lectures, est devenu aussi un admirateur inconditionnel du grand poète Lamartine (1790-1869)…

Mais revenons au jeune Marc de Larréguy qui s’élève au contact des œuvres de  Lamartine. Son père s’enorgueillit de ce fils si prometteur. Mais les convulsions guerrières qui agitent l’Europe ne laisseront pas  le  temps à Marc de se réaliser pleinement. L’affreuse guerre éclate !  Le père s’en va trouver son fils et lui commande de s’engager…ce dernier se montre réticent ; on le comprend sachant  la profonde communion d’idées  qu’il éprouve avec Lamartine. Il cite à son père cette parole de son maître à penser : « L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie. La Fraternité n’en a pas »

Mais Marc n’était pas un lâche, il  part au front le 5 juillet 1915  résigné par la piété filiale et entraîné par la folie collective…Il accomplit alors son devoir pendant  17 mois avant de  succomber à Froideterre près de Verdun le 18 novembre 1916 !

Pendant ses 17 mois de guerre, Marc écrivit plus de cinq cent lettres et des  dizaines  de poèmes illustrant  la réalité de la Grande Guerre  en Argonne !

Le jeune poète excellait à décrire la belle forêt d’Argonne indifférente aux souffrances des hommes qui y guerroyaient. Lisez ce poème et vous  éprouverez en un instant les sentiments désespérés  du « poilu » occupant jour après jour  sa tranchée  noyée dans le froid  et l’humidité de la sombre forêt d’Argonne.

Inferno

O forêt de l’Argonne ! Hélas je t’ai connue

A l’heure où la bataille a pris tes horizons ;

Un de tes noirs ravins me tient lieu de prison

Et j’y vis face avec ta beauté nue !

 

Mais, soit que le soleil chauffe tes frondaisons

Ou que le givre pende à tes cimes chenues

J’entends le vent râler parmi tes avenues

Comme la voix des morts couchés sous ton gazon

 

Tes arbres, suppliciés par la guerre sans trêve,

Crispent leurs moignons vifs aux blessures de sève

En des poses d’horreur protestant au ciel las !

 

Et, métamorphosant leurs formes gigantesques,

Dans l’ombre, humanisés, ils incarnent, dantesques,

Tes cadavres roidis dans la nuit d’au-delà

Un jour le courrier ne parvint plus au père Louis, puis vint l’attente funeste et finalement l’annonce à la famille de la  mort de l’être aimé ! La mort du fils entraîna le père dans le malheur… Un père  à jamais  culpabilisé,  coupé,  comme il l’écrira, à jamais du chef-d’œuvre issu de lui-même…Un chagrin immense mais  semblable à celui éprouvé par  des milliers d’autres pères, le même  chagrin  mêlé  de remords  Le père Louis  publie l’œuvre de son fils Marc mais cela ne suffit pas à atténuer son chagrin ! Il va user de  toutes ses influences pour offrir à son fils une sépulture exceptionnelle ! Son rêve est de faire reposer son fils auprès  du poète que ce dernier  admirait tant, le célèbre Lamartine ! On imagine les tractations avec les héritiers de Lamartine  et finalement  l’immense  satisfaction  du père  quand l’accord fut donné !

Marc fut donc enterré à Saint-Point à l’ombre de la chapelle romane jouxtant le château du poète et à 2 mètres de son mausolée. Près de cinquante ans après son décès,  on confia donc  à Lamartine un nouvel enfant mort, un tout jeune homme de 21 ans  qui l’avait tant  aimé et admiré !  Depuis presque un siècle, les deux poètes, le jeune et le vieux, l’admiré et le méconnu, reposent l’un à côté de l’autre en se veillant mutuellement  pour l’éternité.   

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