ITINERAIRE CARNET DE ROUTE
Je suis parti hier de la Nièvre via Lyon en direction de Essaouira, la ville blanche. Je ne sais où me mènera ce voyage et jusqu'où il faudra marcher pour retrouver la ville interdite, celle des rêves de ma jeunesse, mais je sais que j'aurai la volonté de l'atteindre. Un vieux marocain, Moussa, m'a proposé ce matin, lors de mon arrivé à l'hôtel, de me faire visiter la ville. Nous nous sommes enfoncés dans les ruelles baignées de soleil, le quartier juif, celui de orfèvres, est intact et les boutiques de joailliers existent toujours avec ces pierres bleues hors du commun qui se reflètent les unes aux autres, scintillants dans la lumière qui inonde les allées menant sur la place principale. Il y a longtemps que la communauté juive est partie de cette ville, d'après Moussa, tout le monde s'entendait à merveille et la vie était paisible, mais un jour les juifs sont partis d'Essaouira. J'ai osé poser la question interdite :
-- Si tout le monde s'entendait bien, pourquoi sont-ils partis ?
Il n'y a pas eu de réponse. Moussa a regardé autour de lui très rapidement et m'a emmené sur les fortifications du port et je suis resté à contempler la mer un long moment, assis sur les muraille tout près des canons alignés sur le chemin de ronde qui protégeait la ville des corsaires.
Je me suis rendu sur le port pour y voir arriver de vieux bateaux chargés de poissons frais qui seront déballés sur le quai, face au marché portuaire. Dans cette concentration bruyante, les hommes s'activent et dépècent leur carguaison avec précision et rapidité pour le grand bonheur des mouettes qui envahissent les étales. Jamais de souvenirs de marins je n'ai vu une telle concentration de mouettes, elles sont partout, cherchant la meilleure pièce, tournicotant sans cesse au dessus de chacun, n'ayant peur de rien, arrachant tantôt la tête d'une sardine, tantôt le haut de la queue d'un rouget en se querellant. Elle règnent sur les quais en maître.
Demain je prendrai la route du désert. Il sera de pierres dans un premier temps et je devrai mettre de bonnes chaussures pour ne pas me blesser. Ensuite, après plusieurs heures de route, j'atteindrai Zagora, qui est la ville passerelle entre l'Afrique et le Maroc, où je ferai étape.