PAYSAN, ECIVAIN, MÊME COMBAT !!

" Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt"

Jean-Charles COUGNY, auteur du " Destin de Jeanne" et membre de la confédération Paysanne 58 était présent au 2ème Salon du Livre de Decize ce 11 octobre 2008. Voici la déclaration qu'il souhaita nous faire partager lors de la table ronde organisée en fin d'après-midi :

" Depuis toujours, l'écrivain a été considéré comme l'éclaireur, celui qui voit les choses bien avant les autres. On se souvient de Voltaire, Montesquieu, Rousseau et autres Diderot dont les écrits précédèrent la Révolution Française.
Pourtant aujourd'hui les écrivains sont sur le point de se faire rouler dans la farine comme le sont depuis quelques années les producteurs agricoles.
En effet, les principales enseignes de la grande distribution sont en train d'ouvrir autour de leur magasins ce qu'ils appellent pompeusement " Centre Culturel" en même temps qu'ils réclament la suppression du prix unique du livre. Bien entendu pour justifier cette offensive, ces grands groupes parlent de défendre la " libre concurrence" dont le seul bénéficiaire serait le consommateur. En fait le but inavoué est de prendre le contrôle de la distribution du livre en faisant disparaître progressivement tout le réseau de petites librairies. Ainsi, à moyen terme, ils pourront imposer aux éditeurs et écrivains, les rémunérations qu'ils auront décidé, sans oublier de demander un supplément pour un bon placement en tête de gondole. A long terme, ils pourront même s'allier à de gros éditeurs, voir devenir eux-mêmes éditeurs et contrôler toute la production littéraire dans notre pays.
Les paysans connaissent parfaitement le problème. Ils savent que désormais ce sont bien les centrales d'achat qui font la loi sur le marché et décident du prix payé à la production. Et ce ne sont pas les coopératives et autres groupements de producteurs, créées initialement pour ne pas dépendre du bon vouloir des grossistes qui l'empêcheront. Ceux-ci sont bien souvent devenus des entreprises capitalistes aussi grandes et employant les mêmes méthodes que ceux qu'ils devaient combattre ou bien se sont souvent liés à eux au détriment des paysans.
Pour une fois la prise de conscience de l'homme de la terre aura précédé celle de l'homme de lettres. Reste à espérer qu'à l'image de ce qui se passe au niveau des AMAP, on puisse créer dans notre pays des librairies solidaires où les lecteurs affamés de livres nourrissants viendront remplir leur panier chez des gens qui connaissent leur producteur ( les écrivains ), les lisent et ne considèrent pas la culture comme une marchandise."

On ne peux que remercier Jean-Charles Cougny pour cette déclaration réaliste et d'autant plus d'actualité qu'à Decize par exemple, la municipalité, et ce, malgré les sondages économiques réalisés par un institut d'état selon la Maison de la presse, a autorisé l'extension de plusieurs centaines de mètres carrés à deux grandes surfaces afin de créer ces fameux " Centres destinés à la Culture" condamnant ainsi à moyen terme la maison de la presse du centre ville et la librairie du faubourg d'Allier. Il y a deux semaines, j'avais moi-même obtenu du nouveau maire de la ville un rendez-vous, en tant que délégué de la Nièvre de la Société des Auteurs de Bourgogne, pour lui faire part des craintes que les auteurs avaient face à de telles décisions.
Cette entrevue avait d'ailleurs tourné court, puisque la décision était déjà prise et qu'aucune plaidoirie ne pouvait changer le court des choses sur ce sujet, sujet que le premier magistrat de la ville souhaitait placer naïvement sur un plan économique alors que j'intervenais sur un problème moral pouvant déboucher sur un problème de liberté d'écrire, d'éditer et de diffuser.