NOEL 42
D’abord Noël, faut que j’te dise,
Que j’crois en toi, malgré qu’suis grand,
Tu penses, j’viens d’avoir mes huit ans,
Même que j’t’ai vu au fond de l’église,
Quand l’ratichon, jeudi tantôt,
Nous y a emmenés, après l’patro,
Tu pionçais au milieu d’une crèche,
Avec d’la paille pour oreiller,
Pour qu’tu sois comme ça dans la dèche,
Ton vieux, y devais être prisonnier.
Dis, pour maman, tu serais un pote
Si t’y mettais dans ses crocnos,
Du vrai café, un p’tit kilo,
Bien planquousé au fond d’ta hôte,
Puis, un fichu pour son lavoir,
T’aurai tout ça au marché noir.
A sa place, faut bien qu’je te cause,
Car dans la lettre qu’elle t’écrira,
Elle te demandera pour elle qu’une chose,
Papa, Papa, oui, rien qu’Papa.
Pour moi, j’aurai voulu qu’tu mettes dans mes souliers,
Oh zut ! J’n'ose pas, un fort avec des tas d’soldats,
Comme c’lui au môme de la pipelette,
Et puis aussi, c’est p’être charrier,
Une panoplie de menuisier,
Ou une auto qui marche toute seule,
Ou ben alors, tu vas t’marrer,
Un p’tit bonhomme
Qui s’casse la gueule,
Quand on l’remonte avec une clef.
J’te demande pardon, v’là que j’débloque,
Papa, du café, des jouets,
Tu vas m’trouver un peu cinoque,
Si tu m’donnais cette collection
Pour un Noël de restriction,
Qu’est-ce qu’on r’filerai aux gosses de riches ?
Comme dis Maman, nous les mouisards,
Avec la vie faut pas qu’on triche,
Faut raisonner, même tout mignard !
Alors, Noël, fini les blagues,
J’te demande qu’une seule chose,
Pour Maman, y’a pas à s’gourer,
Tu ramènes Papa du Stalag,
Moi, laisse tomber va, pour les jouets,
Files-moi l’pain d’quatre livres sans tickets,
Et même si tu vois, dans ta hôte,
Tu peux t’mouiller qu’d’un truc pour nous,
Pour plus qu’Maman l’soir elle sanglote,
Mets-y Papa, l’reste, on s’en fout !