Les morts mystérieuses de l'Histoire L'affaire Louis XVII édition Eyrolles

Alain Decaux a commencé sa carrière en écrivant un livre sur Louis XVII :

Dans un entretien avec Pierre Nora , il l’évoque : Louis XVII

Il faut se replacer dans le contexte de la Libération, le pays bouillonnait. Devant un garçon qui a vingt
ans aujourd.hui je me sens un peu triste parce que tout est bouché. À mes vingt ans, en 1945, tout était ouvert et j’en garde un souvenir exalté. Il naissait un journal par jour, 40 % des journalistes professionnels étaient en prison pour s’être un peu trompés pendant l’occupation... Vous étiez accueilli partout à bras ouverts. Moi l’inconnu, j.ai été publié, et je suis entré dans un hebdomadaire qui s’appelait Quatre et trois. Il y avait comme rédacteur en chef un très bon journaliste, René Maine, qui l.avait créé à la Libération après avoir été l’un des rédacteurs en chef à Paris-Soir et l’un des créateurs de Match sous Prouvost. J’y ai fait toutes sortes de choses, des interviews d’écrivains, des avant-premières de théâtre. Un beau jour, René Maine m’expose un de ses projets : refaire ce que faisaient les hebdos d’avant-guerre, Gringoire, Candide, Marianne, de grands écrits sur une page entière (au format quotidien), avec une suite sur trois ou quatre semaines. Et il me demande : « Vous avez une idée ? » J’en avais une . pas celle qu.il attendait de moi, probablement : Louis XVII. « Pourquoi Louis XVII ? me demande-t-il. . Parce que c.est une énigme qui me passionne. »
J’étais en fait dans la position du jeune romancier qui met totalement son enfance et son adolescence dans son premier roman. Sauf que mon adolescence, c’était cette histoire de Louis XVII qui m’excitait depuis l’âge de quinze ans. René Maine, en homme habitué à vivre dans l’actualité, m’objecte : « Mais Louis XVII, on en a déjà parié, il n’y a rien de plus à en dire. » Or je venais de découvrir qu’un certain André Castelot avait fait soumettre à une expertise les cheveux de Louis XVII enfant, que le professeur Locard, célèbre expert de Lyon, avait conclu provenir de la même personne que les cheveux de Naundorff, l’un des prétendants dauphins. Ce que j’explique à René Maine. Je l’entends encore me dire : « Mais est-ce qu.il y aurait des photos ? Des microphotographies, oui, sûrement, il faudrait les obtenir à Lyon. » Et c.est comme cela que j’ai écrit ma série sur Louis XVII.

Il y a des hommes qui peuvent changer la vie d’un autre homme. Ma passion pour l’histoire était ma marotte . Il y a des gens qui font collection de pipes, moi je lisais de l’histoire. Et, par ailleurs, je me sentais une vocation d’écrivain tournée plutôt vers le théâtre. À la suite de la publication de ma suite d’articles, Maine me complimente et me demande ce que j’avais l’intention de faire : poursuivre dans le journalisme ou me tourner vers autre chose ? Je lui avoue mon désir d’écrire. « Eh bien, me dit-il, pourquoi n’écrivez-vous pas de l’histoire ? Je vois à la manière vivante dont votre récit est construit et mené que vous êtes fait, visiblement, pour écrire de l’histoire. » C’était l’œuf de Colomb. J.ai compris qu’il n’y avait aucune raison pour que ma vocation et ma passion ne se rencontrent pas. Et c'est ainsi que je me suis décidé à écrire de l’histoire. Voilà le point de départ. J.ai continué là-dessus à creuser le sujet sur lequel j’étais parti et j.ai publié ce premier livre qui, avec l’outrecuidance d’un garçon de vingt-deux ans, s’appelait Louis XVII retrouvé. Il faut avoir cet âge-là pour oser déclarer, sur une énigme aussi fameuse, qu’on l’a résolue. Bien entendu, depuis, elle s'est réobscurcie définitivement pour moi et Louis XVII ne m’intéresse plus du tout.