Quelle histoire, l’histoire !
Quelle histoire, l’histoire !
A l’occasion de la visite à la Sorbonne de la ministre de l’enseignement, Najat Vallaud Belkacem, le Journal du Centre a consacré une page entière à l’enseignement de l’histoire. Merci à lui et à Bernard Stéphan, qui dans son éditorial relevant de cet événement a très bien résumé la situation en proposant que ni romance, ni épopée, ni réalité des peuples dominés, ni le panache des héros ne soient excluent aux profits des coulisses du quotidien, de la vérité des peuples et des sociétés.
Certes, on ne peut enseigner l’histoire en 2015 comme on l’enseignait en 1965. Tout d’abord, parce que nos jeunes élèves fréquentent très tôt les réseaux sociaux avec ses multitudes d’informations, véridiques ou mensongers, où des auteurs, souvent anonymes, sont prêts à toutes les manigances pour faire accepter leur thèse et faire le buzz, même quitte à défigurer la vérité historique. Parce qu’aussi il se développe depuis quelques années une perpétuelle et redondante théorie du complot qui contribue à masquer la réalité des faits dans l’histoire. Parce qu’enfin, plus que jamais, l’histoire doit jouer son rôle de vigie, conscience des sages, pour les nouvelles générations, afin d’éviter de nouvelles erreurs humaines, économiques et sociales, mettant en danger une fois de plus l’humain et la civilisation.
On doit pourtant ne pas oublier pour autant que la chronologie, chère à Michelet et Lavisse, est plus que jamais la colonne vertébrale de cet enseignement et que nos historiens actuels ont été bercés à l’image d’Épinal et aux fresques historiques des héros qui ont sculpté notre civilisation et que c’est aussi grâce à ceci qu’ils ont pu aiguiser les sens de la vérité et l’esprit critique. C’est par la romance historique que l’enseignement de cette matière nous amènera à la condition de vie de nos ancêtres, aux démographies, aux statistiques diverses et non le contraire. La grande imagerie populaire, celle de François 1er combattant avec Bayard à la bataille de Pavie, celle de la prise de la Bastille par le peuple des faubourgs avec ses nuées de poussières de plomb sortant des canons et ses ruines affaissées, celle encore de Vercingétorix rendant ses armes aux pieds de Jules César, vainqueur des Gaules, ne demande qu’à revenir en tête de gondole d’un programme complexe mais si attrayant… Le public ne se trompe pas en accordant une fidèle écoute aux émissions télévisées présentées par Stéphan Bern ou Franck Ferrand ; On en pense ce qu’on en veut mais le public a besoin de rêver ses ancêtres et qu’on le transporte dans un autre monde qui le rassure de sa condition, qu’il considère souvent pas si éloignée de celle de ses ancêtres. Pourtant, enseigner l’histoire en recherchant ses héros ne mène qu’à trouver des bourreaux, qui eux, font légion… Comme enseigner aux élèves qu’il y a des peuples qui en ont dominé d’autres, nuits gravement à l’instruction civique…C’est pourtant aussi cela l’histoire !
Redonner aux enseignants la liberté de construire leur parcours aux travers de modules est certes tentant, mais l’association des professeurs d’histoire-géographie s’inquiète qu’il y aura des modules facultatifs et qu’à ce titre, on puisse faire l’impasse sur une période de notre histoire. Le danger est réel. Il est d’autant plus réel que la préoccupation des professeurs d’histoire aujourd’hui, est plus de pouvoir « boucler » leur année et aller au bout du programme, que de s’inquiéter du contenu de ce qu’ils transmettent. En un mot : Tout serait différent si l’histoire était transmise, révélée, et non diffusée. Le regain des élèves pour cette matière en serait profitable.
On le voit bien, malgré le peu de temps que l’on accorde à cette matière en matière d’heures de cours, lesquelles sont réduites de réforme en réforme, l’enseignement de l’histoire est capital pour l’état qui n’est pas prêt de laisser à quiconque la désignation d’une méthode et d’un programme qui décidément fait couler beaucoup d’encre…
Michel Benoit