Il y a 70 ans naissait le Journal du Centre.
9 Septembre 1944 Naissance d’un quotidien : Le Journal du Centre.
« Voici les clefs ! » C’est par ces mots que monsieur Chapon, concierge du quotidien Paris-Centre, accueille Jean Lhospied et ses amis venus prendre possession des locaux situés rue du Chemin de Fer à Nevers.
La bâtisse est libre depuis plusieurs jours, libre comme la Nièvre et comme ces hommes, une poignée de copains, qui ont créé en pleine occupation La Nièvre Libre, un journal imprimé clandestinement dans le grenier de Jean Lhospied, au moulin de Fougère, près de Champvert.
« Notre petit journal, avouera-t-il plus tard, était tiré sur un mauvais duplicateur qui n’encrait pas toujours bien, avec du papier glané ici ou là par nos camarades dans les administrations. Il était attendu chaque mois par les nivernais qui se le passaient, le tirage étant limité vu nos peu de moyens. Mais on peut proclamer, qu’il était salutaire pour le moral dans notre département qui fut l’un de ceux où la résistance fut la plus active »
Le gouvernement provisoire ayant pris une ordonnance le 19 avril précédent, et le président du Comité départemental de Libération ayant toute autorité pour remplacer l’administration de Vichy, Jean Lhospied a été désigné directeur du nouveau quotidien. Durant trois jours, les arrivants vont mettre tout en œuvre pour rétablir les relations avec les journalistes de la rédaction, les techniciens de l’imprimerie et le personnel de l’administration. Pour que paraisse officiellement le 12 septembre, le premier numéro de la Nièvre Libre que l’on baptisera au matin du 27 : le Journal du Centre.
Le 1er février 1945, une S.A.R.L. sera constituée, rassemblant Jean Lhospied, Léon Bondoux, Emmanuel Bourdillon, Frédéric Bonnot, Toussaint, Courrault, Marius Durbet, Pierre Gauthe, François Guyollot, René Marlin et Louise Montupey épouse Roche. Dotée de statuts, la nouvelle entreprise sera transformée en société anonyme à participation ouvrière en décembre 1946.
Jean Lhospied, son directeur général, suivra une ligne politique républicaine, laïque et socialisante. Le journal sortira des éditions dans les départements limitrophes et de nombreuses agences locales verront le jour dans les communes de la Nièvre.
Mais déjà, le Journal du Centre est né ! Il va grandir, malgré la concurrence du Patriote, organe du Front National d’inspiration communiste et du Centre presse, lequel se positionne clairement à droite. Seule La Tribune représentera une concurrence sérieuse pour le développement du nouveau quotidien au cours des années 1950. Les locaux du Journal du Centre vont vite s’agrandir, grâce à l’achat, en 1958, de l’hôtel-bar voisin : Le Métropole.
En 1973, l’Hôtel des Voyageurs deviendra à son tour propriété du journal.
Vers la fin des années 1960, le quotidien clermontois La Montagne installera une équipe rédactionnelle à Nevers et en réaction à ce voisinage inopiné, le Journal du Centre créera une édition du Dimanche. Après 1970, le groupe Express Union de Jean-Louis Servan-Schreiber, étant devenu majoritaire dans les parts du journal de Nevers, monsieur Fabre rejoindra le Conseil d’administration avec le titre de directeur général de la société. Après un conflit entre le personnel, les journalistes et la nouvelle direction, La Montagne rendra public les accords précisant son engagement formel de « maintenir le titre et la ligne politique au journal ».
Ainsi, le journal du Centre sera-t-il sauvé.
Paul Berthelot, ancien rédacteur en chef, racontera plus tard :
« Je crois avoir toujours voulu exercer ce métier. Je suis rentré comme pigiste au Journal du Centre après mon service militaire. Nous travaillions dans une extraordinaire ambiance. Je me souviens d’Exbrayat qui arrivait tous les vendredi soir de son bureau parisien pour rejoindre le journal. Quand il entrait dans le couloir de la rédaction, ce grand gaillard, bon vivant et grand gourmet nous saluait en ôtant son chapeau noir. Il criait : « Mes seigneurs, je vous salue ! » L’ensemble des journalistes présents lui répondaient d’une voie : « Nous aussi ! » telle était la tradition qui se perpétua durant de longues années.
Le journal du Centre était l’un des seuls journaux à posséder un avion. Un « Jodel » tout d’abord fit l’affaire, il survolait allègrement les cités nivernaises et le nom du quotidien inscrit sur la carlingue ne passait pas inaperçu pour ceux qui nous lançaient, ébahis, de grands bonjours, alors que nous tentions de prendre quelques clichés des manifestations en cours. Ses ailes basses nous gênaient et il fut remplacé par la suite par un « Piper » qui nous laissait plus de place pour photographier la Nièvre du ciel. Jean Lhospied et deux autres collaborateurs savaient piloter et les moyens de communication n’étant pas développés, l’avion nous permettait d’apporter nos photos et nos articles dans les temps avant que la Une ne soit bouclée »
Extrait des Grands Evènements du nivernais
de Michel Benoit
Editions de Borée 2009