Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Michel Benoit
Archives
Le Blog de Michel Benoit
22 février 2011

La part des Anges

Victor regarda longuement les jambes de Florence étendues sur le canapé de cuir et d’une main machinale fît teinter les glaçons dans les verres disposés sur le guéridon.

Il vieillissait, sa calvitie naissante laissait apparaître de nombreuses rides sillonnant son front dégagé, lui donnant, lorsqu’il n’y prêtait garde, de nombreuses ombres contrastant avec sa pâleur habituelle. C’était du moins, une fois de plus, ce que constatait Florence. Cette pensée due la trahir sans qu’elle ne s’en aperçoive. Mais ceci n’échappa pas à Victor qui, debout près d’elle, se mît à rire allègrement.

Il riait pour cacher sans doute le gène qu’il éprouvait, celle d’être dévisagé silencieusement, ne sachant quelle attitude adopter face à une situation qui le désemparait.

--- Les Dessanges sont vraiment épouvantables, dit-il soudain en reposant son verre. Le repas était excellent mais d’un ennuie….. Tiens, Barbara t’embrasse…. Elle m’a longuement parlé de toi…

--- Ah oui ! Répondit Florence. Comment va cette chère Barbara ?

--- Très bien, très bien, se contenta de répondre Victor, amusé par le jeu subtil de Florence. Figures-toi que nous étions l’un près de l’autre et qu’elle m’a évité de subir les interrogatoires en règles de Cornélie, qui, comme à son habitude, m’assommait de questions à ton sujet.

Florence s’était levée et, tel en félin, parcourait la largeur du salon, nu-pieds.

--- Quelle genre de question ? Demanda t-elle.

--- Elle voulait tout savoir évidemment… L’adresse de ton coiffeur…Enfin tout ! J’ai rencontré Jean-Charles à l’After All, tu sais cette boite boulevard Carnot.

Victor, après un léger temps d’arrêt continua :

--- Sacré Jean-Charles ! Tu te souviens de Jean-Charles ! Mais si ….Le pauvre…..Qui sait ce qui lui est arrivé ? Cela fait bien six mois qu’il avait disparu …. Ah, l’amour !

--- Ah, oui ! Ce musicien….

Françoise gardait le silence restant sur ses gardes, ne sachant pas quelle attitude employer.

--- Il était d’ailleurs en charmante compagnie !

Victor avait lancé ces quelques mots avec une désinvolture naturelle tout en épiant chaque réaction de Françoise, qui montrait à présent quelques signes d’agacement.

--- C’est un garçon secret, poursuivit-il, il va, il vient, disparaît pour quelques temps et ressurgit à l’instant où on l’y attend le moins !

Victor avait volontairement ponctué ces derniers mots, tentant de déceler chez Florence une quelconque émotion, mais rien de tout ceci ne filtrait.

Florence était décidément de marbre, pensait-il, un marbre patiné par les années telle une statue antique. Elle était de la race des serpents, du moins avec lui, de ces invertébrés qui, quoi qu’il arrive, ne s’éloigne pas du but qu’ils se sont fixés. Il avait son idée sur tout cela, mais avait-il la réponse ? La véritable réponse…. Tout ceci l’agaçait décidément, mieux valait feindre de s’intéresser à ce qu’elle avait fait durant la nuit.

--- Et toi ? Demanda t-il d’un ton détaché.

--- Rien de bien particulier, répondit-elle, lascive, j’ai rencontré des amis et nous avons bu quelques cocktails…

Sans grand intérêt.

Cette réponse n’amenait aucune question supplémentaire, et Victor compris qu’elle avait décidé d’en rester là. Il se leva lui aussi et après l’avoir embrassé sur le front, sorti du salon.

 

Plus tard, par la porte entrebâillée de la salle de bain, il l’entendit sangloter et ne pu retenir un sourire vainqueur avant d’éteindre la lampe de chevet, plongeant la chambre dans une pénombre qui aurait été presque parfaite si une lueur provenant du néon de la salle d’eau n’avait filtré sous la porte, laissant entrevoir une ligne lumineuse qu’il n’aurait franchie pour rien au monde.

Extrait de La part des Anges

Nouvelle

Michel Benoit

 

Publicité
Commentaires
Le Blog de Michel Benoit
Publicité
Publicité
Publicité