1793 LA REPUBLIQUE DE LA TENTATION PORTRAIT DE DANTON
"Danton avait connu la grande
terreur avant d’en imposer la sienne au peuple de France. Cette fascination
morbide provenait de cette calamité qui vous met les orbites aux étoiles ;
la vérole. Comment l’avait-il contracté ? D’ailleurs, le savait-il
lui-même au moins…A Reims, Troyes ou Paris, sous les arcades du Palais Royal du
domaine d’Orléans avec quelques filles ou dans les rues sombres et étroites
donnant sur la cathédrale sacrée au soir du couronnement du Roi Louis XVI pour
lequel il avait fait le voyage à pieds d’Arcy sur Aube.
Le teint vitreux comme une
bougie, il s’était réveillé un matin aussi mou qu’un fromage coulant, aussi
gris qu’un ciel de novembre. Il avait combattu la maladie honteuse comme
quelques années plus tôt il avait bravé le taureau au pré d’Arcy et elle ne lui
avait laissé en souvenir de son passage que quelques traces sur son visage,
comme sa lutte contre le taureau lui avait laissé indéfiniment un encornage à
la lèvre. Tel un déluge qui aurait transporté les coquilles de la mer sur son
visage d’adolescent, elle avait soudain prit congé et au lieu de tout lui dévorer
en dedans, du foie à l’estomac, laissant aux asticots le soin de terminer le
travail jusqu’à la moelle de sa large carcasse, elle s’était éclipsée
subitement, ne laissant que quelques cavités lunaires sur son large visage de
tribun.
Ces nombreux orifices
caverneux s’étaient fossilisés sur son visage d’albâtre, devenant partie
intégrante des archives du monde, épouvantant ceux qui le croisaient, seul
témoignage d’une vie dont peu réchappaient en ces années lumières.
Ainsi était Danton. Ainsi était-il apparu à Claude Bazire dès son entrée à l’assemblée Législative. L’homme était partout, se mêlant à ce flot humain, arpentant les couloirs de l’assemblée en quêtes d’alliances inavouables, franchissant d’un pas ferme les quelques marches de la tribune qu’il prenait d’assaut, s’élançant à la proue du navire jusqu’à son sommet pour y déclamer ses ardentes passions dictées par son instinct féroce d’homme blessé et par ses faiblesses inavouées de tribun corrompu."
Extrait de : 1793 LA REPUBLIQUE DE LA TENTATION
EDITIONS de L'ARMANCON