Omonville toi-même !

Mais qu'est-il venu faire là-haut ? Tout là-haut, dans cette pointe armoricaine où la presqu'île est comme une parenthèse de vie, un bout du monde que cette presqu'île du Contentin où l'on ne croise jamais grand monde...

Mais qu'est-il venu faire là-haut ? Cet " il " , c'est le petit homme à la casquette parisienne qui parcourait les rues de panâme la cigarette au bec en rêvant... Cet "il " c'est Jacques Prévert.

On ne vient jamais dans la Hague par hasard dit-on. Prévert, lui, avait écouté son vieux copain Alexandre Trauner et, sur ses conseils, avait acheté ce qu'il avait appelé: " son petit coin de paradis " à Omonville-la-petite. Près des dunes, des falaises, des landes magnifiques, où les bruyères sauvages se nourissent des embruns, des senteurs des fleurs et du chant des marins criant  terre ! , la petite maison du poète surplombe la route menant à la plage de galets. 

On ne vient jamais dans la Hague par hasard, dit-on... Prévert, lui, est venu pour y mourir, loin du métro aérien de la station Stalingrad des Portes de la nuit, de la Chapelle ou de Montmartre et de la rue des Martyrs. Là-haut, dans la pointe qui nous mène nul part, on ne nous dit pas si les piafs de la rue Mouftard ont survécu. Seules, les mouettes rient annonçant chaque marée et survolent le petit cimetière déguisé en jardin d'acclimatation où le poète repose, lachant parfois quelques fiantes sur les bourgeois, venus par accident dans ce nul part, comme pour se moquer d'eux. Car, les mouettes, elles aussi, savent qu'on ne vient pas par hasard dans ce bout du monde, dans cette presqu'île du Contentin.

Michel Benoit