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Le Blog de Michel Benoit
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Le Blog de Michel Benoit
23 mars 2015

Le mystère Gambetta

Leon_Gambetta

Si la tombe de Gambetta est demeurée à Nice et son cœur transféré au Panthéon, sa dépouille a été mystérieusement éparpillée dans toute la France. En effet, les restes du grand homme furent dispersés ici et là sans qu’aucune autorité ne s’interpose. Si son œil fut retrouvé à la bibliothèque de Cahors, on ne retrouva pas sa tête, l’un de ses bras et l’une de ses mains pourraient se trouver dans le Gers alors que l’intestin et l’appendice se trouverait dans quelque laboratoire parisien, on aurait enfin localisé son cerveau à Paris.

Tout commence lorsque le tribun se blesse à la main avec son revolver. Nous sommes à la fin de l’année 1882. Quinze jours après cet incident que l’on prétend être sans gravité, Gambetta prend froid et s’alite. Il ne se relèvera pas et le 31 décembre 1882, peu avant minuit, Léon Gambetta rend l’âme.

Le diagnostic est dans appel, c’est une infection intestinale qui a eu raison du grand homme. La France entière est abasourdie par une telle nouvelle qui vient endeuiller les fêtes du nouvel an. Le 2 janvier, le gouvernement envoi à Ville d’Avray, où repose le corps du tribun, pas moins de treize médecins qui viennent procéder à l’autopsie. La dispersion des restes « du père de la république » va alors commencer !

Mais qui sont-ils ces célèbres médecins venus pour découper le grand homme ? Parmi eux, il y a le professeur de Pathologie chirurgical Trelat, le professeur d’anatomie pathologique Brouardel et Marie Lannelongue, le professeur d’anatomie chirurgical Charcot. Tous de grandes sommités de la médecine.

Le témoignage de l’embaumeur Baudiau nous décrit la scène épouvantable relative à l’intervention des médecins : « Quelle boucherie ! V… désossait le bras, L…coupait l’appendice, Gibier s’empare d’un long fragment d’intestin, Bert empaquetait le cœur dans un vieux journal, Fieuzal s’en allait avec le crâne… » Le corps de Gambetta avait été allongé sur table disposée devant les fenêtres et tous s’affairaient sur ce dernier. L’un pour scier la boîte crânienne, l’autre pour ouvrir l’estomac… On apporte le cerveau chez le pharmacien le plus proche pour le peser, la balance indique 1.160kg…Le professeur Lannelogue enveloppe l’avant-bras et la main blessée par la balle de revolver que le tribun s’est tiré un mois plus tôt et les emballe dans un drap.

Enfin, peu après midi, les médecins ayant repris le chemin de Paris, il reste à l’embaumeur à rafistoler le corps avant de déposer ces restes dans le cercueil. Le communiqué officiel concernant la cause du décès de Gambetta est alors rédigée par le professeur Charcot. La raison exacte du décès n’est pas établie et alimente la rumeur publique qui assure que la mort de Gambetta serait peut-être due à un assassinat ou à un duel qui aurait mal tourné. Et pour cause ! Léon Gambetta n’a que 44 ans et l’on ne meurt pas aussi subitement à cet âge. On saura plus tard qu’il a succombé à une perforation de l’appendice et que ce mal n’est pas encore connus à cette époque. L’enterrement a lieu en présence de sa famille et des docteurs Fieuzal et Liouville mais aucun des membres présents ne rend un dernier hommage à l’homme de la république avant la fermeture du cercueil et pour cause… Le cadavre est sans tête et ils n’ont aucune envie d’assister à une scène digne des plus grands récits d’horreur.

Vingt-six ans vont passer. En avril 1909, le cercueil du grand tribun est transféré dans un monument élevé par la ville de Nice. On ouvre alors le cercueil et on constate immédiatement la présence du corps sans tête et l’absence d’un bras et d’une main. Les personnalités en présence restent muettes devant un tel spectacle. On referme discrètement le cercueil et l’on procède à la cérémonie prévue pour cet événement. En 1920, sur proposition du président de la république Paul Deschanel et afin de fêter le cinquantenaire de la IIIème république, on transfère le cœur de Gambetta au Panthéon. Celui-ci avait été emmené par Paul Bert lors de l’autopsie réalisé à Ville-d’Avray. Il faudra attendre soixante-sept ans pour retrouver le cerveau du célèbre républicain. Ce dernier se trouve au palais de Chaillot à Paris, au sein même du musée de l’homme. Il reposait dans un bocal auprès d’autres cerveaux célèbres dont celui de l’anarchiste Emile Henri, guillotiné à la fin du siècle. Celui qui avait sauvé la république et celui qui avait voulu la détruire cohabitaient ainsi depuis soixante dix ans…

Ainsi, loin d’avoir souhaité volontairement donner son corps à la science, les restes du corps de Léon Gambetta furent dispersés aux quatre coins du pays et ne ressurgirent, pour certains, que très longtemps après.

Michel Benoit

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Commentaires
F
Quelle horreur. Quand le culte des reliques épouse le matérialisme... Ces bouchers médicaux ne pouvaient pas laisser reposer Léon Gambetta ? Je plains ce pauvre homme et sa famille.
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G
merci Michel de participer à l'amélioration de mon savoir.Voila un épisode de la vie (si j'ose dire) de Gambetta qui m'était totalement inconnu.
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