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Le Blog de Michel Benoit
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21 avril 2014

Noël 1914 « On les aura ! »

 

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Voilà des mois qu’ils sont partis, les uns à pied, d’autres par le train, jusqu’aux frontières de l’Est et du Nord, pour affronter l’ennemi. Celui-là même qu’ils pensaient pouvoir contenir et apprivoiser dès les premières heures, cet ennemi dont il faudra venir à bout, coûte que coûte, au fil des semaines ou des mois le temps d’une bataille, le temps d’un automne… Voyageurs sans bagages, ils ont quitté leur famille, leurs amis, abandonné leur emploi pour parcourir les routes de la Nièvre, jusqu’à Paris, puis gagner la Champagne, et se diriger enfin vers la Belgique et les frontières de l’Est. Leurs galoches cloutées ont résonné sur les pavés des chemins de France, annonçant leur venue sur le front bien avant que leur pantalon rouge ne les expose aux tirs de l’artillerie allemande. De marches forcées en batailles rangées, sans cesse répétées, ils en sont venus au fil des combats à repousser, de lendemain en lendemain, l’idée d’une guerre éclair et la morosité les a envahi à l’image de ces lignes de front, stabilisées depuis seulement deux mois maintenant, au bord desquelles chacun s’observe, se toise, s’évalue, interminablement, sans que rien ne se passe. Ces lignes où chacun, dans l’attente, imaginait un dénouement heureux, toujours imminent, et que tous désormais savent vain, en cette veille de noël.

Combien de temps, combien de temps encore faudra-il les attendre, ces fils, ces maris, ces pères, dans leurs villages et villes de la Nièvre ? La terre, la vigne, l’établi, le bureau, pourront-ils patienter encore longtemps et supporter leur absence ? La moisson est passée, l’automne s’est éteint pour laisser place à un hiver brutal et froid. La boue, la glaise, elles aussi, se sont adaptées à la température et tout a gelé sans discernement.

Maurice Genevoix, lui, l’enfant de Decize, en Loire assise, ne passera qu’un noël au front. Il sera grièvement blessé au printemps suivant. A son retour, il livrera ce témoignage :

«  Il y eu une messe de minuit. L’église était comble de soldats. Cinq mois de guerre et de combats avaient terni les uniformes, halé et durci les visages. Les lumières du chœur expiraient au bord d’une foule confuse dont les seuls premiers rangs, touchés par la clarté tremblante des cierges, révélaient la sombre épaisseur. Mais soudain, sous les voûtes, un chant s’éleva, rude et viril, une lamentation puissante, unanime, qui nous parut ne devoir point finir. Tout un peuple chantait ainsi. Sa clameur grave, débordant de la nef, allait au devant de la nuit, semblait refluer en elle jusqu’aux lignes où nous étions hier, jusqu’à nos frères des tranchées, puis revenir d’eux à nous, plus puissante et plus charnelle, nous unissant les uns aux autres dans un même sentiment de pitié qui sourdait du profond de nos cœurs : comme saigne, inépuisablement, une blessure qui ne guérira plus. Pitié sur les morts, sur les absents,-soldats perdus,-sur nous-mêmes »

Michel Benoit

Extrait des Grands évènements du nivernais Editions de Borée 2009

 

 

 

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Commentaires
J
"En 1914, on disait : "On les aura !"<br /> <br /> Et en 1940, on les a eu... pendant quatre ans !!"
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