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Le Blog de Michel Benoit
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19 février 2014

La Grande Peur suite...

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L’effervescence révolutionnaire


Alors commencent les préparatifs de la défense, sous la direction du seigneur lui-même ou d’un ancien militaire. On s’arme comme on peut ; on place des sentinelles ; on barricade l’entrée du village ou le pont ; on envoie des détachements à la découverte. La nuit venue, des patrouilles circulent et tout le monde reste sur le qui-vive. […] Cette réaction contre la panique, on la retrouve partout […]. Au fond, c’est très improprement que l’on caractérise ces événements du nom de Grande Peur. Ils le sont tout autant par l’ardeur guerrière qui dressa aussitôt les Français contre le danger qu’on leur annonçait. Ils le sont plus encore par le sentiment très chaleureux qui les mena, dès le premier moment, au secours les uns des autres, sentiment complexe où la solidarité de classe qui animait le Tiers État en face de l’aristocratie tenait évidemment la plus grande place, mais où l’on discerne aussi la preuve que l’unité nationale était déjà très avancée puisque les curés et les seigneurs marchèrent souvent au premier rang. […] Or, ces sentiments d’unité et de fierté nationales sont inséparables de l’effervescence révolutionnaire. Si le peuple s’est levé, c’est pour déjouer le complot dont les brigands et les troupes étrangères n’étaient que les instruments, c’est pour achever la défaite de l’aristocratie. Ainsi, la Grande Peur exerça une profonde influence sur le conflit social, par la réaction tumultueuse qu’elle provoqua : entre les membres du Tiers État, la solidarité de classe se manifesta de manière éclatante et il prit de sa force une conscience pus claire […].
 

nuit_4_aout

Au cours de ces événements, beaucoup de bruits coururent où se retrouve l’opinion populaire qui explique la propagation foudroyante de la terreur […]. Certes, on annonce des brigands, en ajoutant souvent qu’ils viennent de Paris ou des grandes villes, et leur nombre croît sur place de minute en minute […] ; mais aux brigands se joignent également les troupes royales ou étrangères. […] Les princes en effet sont souvent à la tête des envahisseurs. […] Aux princes on associa toute l’aristocratie. […] Le zèle que les seigneurs montrèrent souvent pour la défense ne modifia pas l’opinion : ils donnaient le change et on les regarda comme des otages ; ceux qui se montrèrent indifférents furent pris à partie ; et, quand il fut avéré que les brigands n’existaient pas, on pensa que les nobles avaient voulu tirer vengeance des paysans en leur jouant un mauvais tour et en leur faisant perdre leur journée. Il en résulta de nouveaux troubles […]. Le principal résultat de la Grande Peur fut ainsi d’envenimer la haine qu’on portait à l’aristocratie et de fortifier le mouvement révolutionnaire. […]
Aussi, la Grande Peur se retourna assez fréquemment contre les nobles et le haut clergé, réputés ses instigateurs. Le plus souvent, on se contenta de murmurer ou de menacer […]. Les vexations furent assez fréquentes. […]. Les châteaux, plus que jamais, parurent suspects ; les visites se multiplièrent. […] Des châteaux furent menacés d’incendie, […] quelques-uns furent pillés […]. Les paysans se firent aussi restituer, çà et là, les fusils qu’on leur avait confisqués ; ils massacrèrent les pigeons ; ils réclamèrent même l’abandon des droits seigneuriaux […].
Ainsi, la Grande Peur a précipité la ruine du régime seigneurial […]. C’est dans l’histoire des paysans qu’elle s’inscrit surtout en traits fulgurants. […] En rassemblant les paysans, elle leur donna conscience de leur force et renforça l’attaque qui était en train de ruiner le régime seigneurial. Ce n’est donc pas seulement le caractère étranger et pittoresque de la Grande Peur qui mérite de retenir l’attention : elle a contribué à préparer la nuit du 4 août et, à ce titre, elle compte parmi les épisodes les plus importants de l’histoire de notre nation.

Michel Benoit

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