L'affaire Saint Bris

« Le chasseur avec ou sans fusil » se tenait en face du château, de sorte que les patrons de l’auberge et les clients pouvaient regarder sans difficultés les aller et venu des propriétaires et des visiteurs. L’hôtellerie était accueillante. A l’extérieur, quelques tables étaient dressées en terrasse. Des panneaux publicitaires vantant des marques de bière et le dépôt de butane étaient fixés au crépi de la bâtisse et Merle se laissa choir sur l’une des chaises devant l’entrée du commerce. Tout ce chemin et cette chaleur lui avait donné soif. Un homme d’une soixantaine d’année s’approcha, serviette sous le bras. C’était le patron de l’hôtellerie qui venait pour la commande.

-- Vous désirez ?

-- Une bière bien fraiche, commanda Merle.

-- Vous êtes garé par là ?

-- Non, dit Merle, le garagiste m’a amené au bourg, je suis tombé en panne à quelques kilomètres d’ici.

--Tiens, madame Bidard, lança t-il à sa femme qui écoutait la conversation sur le pas de la porte, amènes-nous donc une bière !

-- Le père Chrétien… C’est un type serviable, ça c’est vrai !

-- Oui, répondit Merle moqueur, « quand on peut rendre service » …..

-- Et oui, c’est qu’ici, on a la chance de travailler encore un peu avec les touristes en saison et les habitués du manège, mais ce n’est jamais gagné !

-- Dites voir, lança Merle, j’ai réservé une chambre ce matin à mon nom pour quelques jours.

-- Ah c’est vous ? Dit la patronne en déposant le verre de bière sur la table face à Merle.

-- Oui, au nom de Merle, Augustin Merle.

-- Je vous ai préparé la chambre 8 au premier étage, vous verrez vous dormirez bien, ici c’est calme, surtout le soir… Et vous dinerez ce soir ? Poursuivit-elle d’un air entendu.

-- Oui, certainement. Dites-voir, auriez-vous de l’alcool et des pansements ? C’est pour mon pied, poursuivit-il en désignant sa chaussure tout en grimaçant.

-- Je vais voir à cela, répondit-elle en s’éloignant.

-- Vous venez pour le manège, enfin… pour acheter des chevaux aux Saint-Bris ? demanda Bidard.

-- Oui, c’est un peu cela,

-- Ce n’est pas gagné ! Pour les bonnes affaires ici… C’est qu’elle est dur en négoce la châtelaine, enfin elle n’a pas besoin de plus, elle a assez d’argent comme ça, mais c’est comme on dit, plus on en a… n’est-ce pas ? Il poursuivit : Ah, oui, parce que, c’est elle qui tient les cordons de la bourse au château, une femme de caractère !

-- Dîtes voir vous êtes installés depuis longtemps à Tourcy l’Etang ?

-- Ca fera bientôt une dizaine d’année, je m’en souviens car c’est l’époque où j’ai touché ma prime de licenciement, c’est d’ailleurs pourquoi on est là avec Raymonde. On s’est recyclé dans la limonade…

Cela n’a pas toujours été rose, hein madame Bidard ? dit-il en s’adressant à sa femme, mais on a fait avec…

-- La Poste ferme à quelle heure ? Questionna Merle.

Merle regarda évoluer une dizaine de cavalier qui, fourbus,  empruntaient le chemin des écuries du château.

-- Elle n’est ouverte que le matin (xxx bon détail xxx), répondit Raymonde Bidard, c’est bien pratique pour nous, surtout les fins de semaine, parce que figurez-vous que quand ceux-ci veulent téléphoner, dit-elle en pointant son doigt en direction du château, et bien ils viennent chez les Bidard et prennent une consommation… (xxx eh oui, c’est vraiment cela la vie des commerçants xxx)

-- Il n’y a pas de petit bénéfice ! Ajouta son mari.

-- Ils n’ont pas le téléphone ? Demanda Merle.

-- Non, je parlais des cavaliers qui viennent passer le week-end, où qui viennent en séminaire, précisa Raymonde.

Merle se leva

-- Où se trouve votre téléphone ? Demanda t-il.

-- A droite du bar, mais vous pouvez également appeler de votre chambre, prévint le patron de l’auberge.

L' affaire Saint Bris - Michel Benoit- Editions rue des boucheries 2011