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Le Blog de Michel Benoit
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Le Blog de Michel Benoit
20 décembre 2012

1793 La république de la tentation

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Si les culpabilités de Chabot et de Delaunay ne font aujourd’hui plus aucun doute dans l’affaire de la Compagnie des Indes, celle de Claude Bazire par contre nous interroge. Elle interpella d’ailleurs le tribunal et les jurés alors qu’ils devaient rendre justice en ce début d’avril 1794. Celui-ci ne se trompa point en portant dans l’acte d’accusation de Bazire la notion de complicité (passive ou active) dans cette vaste affaire d’escroquerie.

Si nous envisageons la culpabilité passive pour le député de la Côte d’Or, il nous faut alors admettre que Bazire prit des risques insensés en cachant aux Comités et à ses collègues, les renseignements qu’il possédait sur le projet concernant la Compagnie des Indes. A moins qu’il ne se soit méfié d’eux, au point d’enquêter seul en s’infiltrant dans le réseau du baron de Batz. Mais cette hypothèse nous ramène alors au témoignage de Chabot et dans ce cas, les deux hommes étaient innocents. Par contre, tout nous permet de penser que Bazire et Chabot étaient bel et bien complices de Delaunay et du baron de Batz. Le témoignage de Sanson dans leurs derniers instants nous démontre d’ailleurs que les deux hommes restèrent soudés et solidaires jusqu’à la mort.

Bazire, innocent, aurait-il eu ce comportement envers son ami Chabot pour qui et par qui il mourait ? Pourquoi ne se serait-il pas révolté contre cette injustice ? Bazire était donc coupable et dans ce cas, il aurait alors touché sa part de l’escroquerie. Mais nous savons pourtant qu’il s’enorgueillit à plusieurs reprises, dans les derniers temps de sa vie surtout, de sa condition de pauvreté «  légendaire »…

Claude BAZIRE

Claude Bazire mourut officiellement pauvre. Mais alors, où cacha t-il le produit de ses nombreux méfaits et avec quelle complicité ? Les scellés mis sur ses papiers à son domicile ne livrèrent pas ce secret, ni où il avait caché l’argent… Comme nous l’avons vu précédemment, Claude Bazire avait un frère aîné, Nicolas Guillaume. Celui-ci, bien qu’ayant repris la mercerie familiale, sera également commis aux états de Bourgogne. Il deviendra par la suite receveur du district de Dijon, conseiller municipal et membre du bureau de bienfaisance de Dijon.

La suite des évènements le concernant nous laissent plus qu’interrogatif sur son train de vie pour le moins suspect. En effet, le 28 frimaire An IV, soit moins de trois ans après l’exécution de Claude Bazire, Il achètera par devant Maître Gilliot, notaire à Dijon, au citoyen Claude Lory pour la somme de 50.000 livres, une grande maison dotée d’un jardin confortable et de dépendances. Celle-ci sera surnommée plus tard «  l’Hôtel Bazire ». Il gardera ce bien trois ans et le revendra à Maître Gilliot. Il fera également l’acquisition de l’hôtel de Villedieu de Torcy, rue Chabot Charny à Dijon, comme bien national, hôtel qu’il louera comme dépôt de tabac avant de le restituer à son ancienne propriétaire, Mme de Torcy, sous la restauration de Louis XVIII, pour la coquette somme de 25.000 livres.

Pourtant ce n’est pas tout. En effet, suivant acte du 2 août 1824 et du 4 octobre 1825, la ville de Dijon se rendra propriétaire de  l’ancien bastion de la porte St Pierre qui est actuellement place Wilson, achetée aux héritiers Bazire, celui-ci étant décédé en 1823, et ce moyennant la somme de trente deux mille livres. Comment Nicolas Guillaume Bazire pu t-il acquérir ces immeubles peu après l’exécution de son frère Claude et avec quel subside, alors que nous savons que l’état des finances de la famille Bazire à la veille de la révolution n’était pas des plus brillant….Le frère de Claude Bazire ne se contente pourtant pas de ces acquisitions, Le 26 fructidor de l’an V, il achètera aux biens nationaux, par devant Maître Vaillans, et pour la somme rondelette de 128.600 livres, le château de Sainte Sabine à Pouilly en Auxois. Celui-ci, construit sur un ancien monastère du XI° siècle était l’ancienne propriété des de Joyeuses et avait été mis sous séquestre en 1792. Il n’en sera propriétaire qu’une année, puisque dès 1798 il le revendra à  Pierre Rocault, négociant à Chalon sur Saône. Le château restera un bien familial durant plusieurs générations.

le baron de batz

Face à ces acquisitions multiples et à ces ventes rapprochées, nous ne pouvons que conclure que Nicolas Guillaume Bazire effectuait de véritables ventes avec la complicité de notaires locaux, après avoir feint de faux achats. C’est ainsi que l’argent provenant des ventes était blanchit. Ainsi, Claude Bazire aurait donc déposé ou fait déposer l’argent de ses nombreuses corruptions chez des notaires de ses connaissances et son frère en aurait été informé. Un frère qui se fera élire Maire de Dijon quelques temps après et qui se gardera bien d’informer la veuve et la fille de Claude Bazire de ses manipulations multiples et frauduleuses.

Jeanne, l’épouse de Claude obtiendra de l’assemblée nationale une petite pension en 1797. Léopoldine Chabot écrira au gouvernement elle aussi, afin de toucher un secours, étant âgée de seize ans et demi, sans ressources, frappée une nouvelle fois d’une loi sur les étrangers et ayant dépensé le peu qu’elle avait pour régler les nombreuses dettes que Chabot et les frères Frey avaient contractées. Le baron de Batz disparaîtra, apparaissant quelques rares fois, à l’occasion, semblant resurgir d’un passé révolu, n’attendant rien de ces nouveaux maîtres pour lesquels il avait tout donné, tout tenté, tout imaginé, sinon la mort qu’il trouvera dans sa propriété de Chadieu, une mort suspecte qui à ce jour n’est toujours pas élucidée.

Michel Benoit La république de la tentation editions de l'Armançon

                                                                                                   

 

 

 

 

 

 

 

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