Danielle Mitterrand, l'insoumise, reposera en Bourgogne
« Perdu dans la nuit, dans le dédale des chemins morvandiaux, sillonnant l’épaisse et mystérieuse forêt celtique, il nous est arrivé de nous abandonner à sa protection et de dormir dans la voiture, au bord de la route, l’un contre l’autre, tremblant de froid. »
Sa volonté de persuasion et ses efforts sans relâche pour réunir les nivernais dans les petites salles municipales, parfois même sous un simple préau, devait donner raison au candidat du renouveau puisqu'au soir du 10 novembre, François Mitterrand était élu pour la première fois à la chambre des députés. François et Danielle Mitterrand ne devait plus quitter la Nièvre.
Bien des années plus tard, j'eu l'occasion de partager quelques belles journées avec celle qui avait été la première dame de France de 1981 à 1995. La Société des Auteurs de Bourgogne organisait avec son président, mon ami Michel Huvet, un pèlerinage à la Villa Romada, berceau de sa famille, Romada comme les premières syllabes de chacun des prénom des trois enfants Gouze : ROger, l’aîné qu’elle aimait tant (directeur de l’Alliance Française, disciple d’Alain et ami de Bernanos), MAdeleine sa grande soeur (devenue Christine Gouze-Raynal, directrice de Elle), et DAnièle. Ce pèlerinage était en l'honneur de son frère Roger Gouze, décédé un an auparavant.
Nous avions assisté à un hommage familiale à Cluny puis nous étions partis à la villa Romada où l'on avait inauguré une stèle à la mémoire de son frère Roger qui avait voulut qu’on y grava : "Mon corps est au cimetière, mon esprit est ici". Puis, nous nous étions longuement promenés dans les jardins d"un chateau proche pour y admirer les arbres ornant le parc magnifique, issus en partie de son imagination et de celle de François Mitterrand. C'était un beau dimanche d'automne et déjà elle mettait secrètement en point final à son manuscrit " Le livre de ma mémoire "qu'elle devait présenter au Salon du livre de Dijon l'année suivante. C'est à cette occasion que j'eu le plaisir de la rencontrer une nouvelle fois dans les salles du palais des ducs à Dijon. Elle vint également à la présentation au théâtre des Feuillants présider la soirée que nous organisions en projetant en avant-première le film de Thierry Machado, Danièle Mitterrand l’insoumise.
Bien que fatiguée par une journée éreintante, à 83 ans, Danielle Mitterrand avait conservé le charme qu'elle dégageait depuis sa tendre enfance et son regard perçant et convaincant ne pouvait que nous désarmer lorsque nous abordions avec elle son combat pour l'eau ou sa lutte pour la survie des Kurdes. C'est ce sourire et ce regard que je conserverai de cette femme si attachante, si militante et si cultivée. C'est aussi cette phrase prononcée devant l'hotel du vieux Morvan au soir du 10 mai 1981 après que les urnes eurent révélé la nouvelle de l'élection de son mari à la présidence de la république, une phrase partagée avec celui qui devait épouser la destinée de la France durant 14 ans : " Que nous arrive t-il ? "
Michel Benoit