Il est trop tard pour être pessimiste
En 1771, à Decize, les autorités locales décidèrent de fabriquer une allée s’avançant vers la Loire. La terre serait retenue par des dizaines de platanes et de tilleuls afin d’éviter la fragilisation des berges et permettre au sol de se fixer et de se solidifier.
Certes, cette tendance répondait à une certaine mode, celle d’aérer et d’embellir cette belle ville, mais à l’époque où l’on était à des années lumières d’évoquer un quelconque Grenelle de l’environnement, nous pouvons nous poser cette question : Etait-ce vraiment la seule raison ?
Saint-Just, le futur conventionnel nous en dit plus dans son carnet intîme retrouvé après son assassinat politique : La ville était sujette à de fortes crues de la Loire et de l’Aron et il fallait absolument protéger la cité des inondations qui devenaient répétitives. Dans le même temps des centaines d’habitants de Decize mais aussi des environs, se trouvaient alors dans une situation de misère indescriptible. Un vent de révolte semblait voir le jour et les autorités, bien que veillant sur les biens des nantis, se demandaient combien de temps pourraient-elles contenir ces hordes d’affamés qui campaient au-delà du pont de Loire.
En décidant de fabriquer l’allée, appelée plus tard les promenades de Decize, elles réussissaient à régler le problème environnemental et à occuper les populations pour quelques sous de l’heure et ainsi faire taire la colère naissante.
Saint-Just n’avait que 5 ans et pourtant il se souvint de cet épisode de son enfance. De par la fenêtre de la maison appartenant à son grand-père, le notaire local, il put apercevoir chaque jour des hommes, des femmes, des vieillards, mais aussi de jeunes enfants à peine plus âgés que lui, portant des sacs de terre, hissant des pierres de toutes grandeurs, et remblayer la parcelle humide et marécageuse qui deviendra la promenade des Halles à Decize.
Cette vue d’un monde du travail, courageux et laborieux, pauvres et besogneux, il l’a conservera durant sa courte vie et d’elle, naîtra certainement quelques pensées et lois en faveur des hommes devenus citoyens républicains.
Yann Arthus Bertrand déclare que « le monde est beau et qu’il est trop tard pour être pessimiste ». Certes ses photos exposées à Decize ne changeront pas le cours de l’histoire, mais allez donc savoir… Si Saint-Just n’avait pas contemplé de la fenêtre de sa chambre ces hommes qui trimaient toute la journée durant pour une bouchée de pain, son action, alors qu’il était en charge des destinées de la République, aurait pu être bien différente.