L'année Jules Renard
On célèbre cette année l'année Jules Renard et c'est pour moi l'occasion de reproduire sur ce blog le témoignage de Gustave Geffroy, journaliste à La dépêche de Toulouse qui, dans un bref article, raconte les derniers adieux des amis de Renard. Parmi ses amis les plus connus étant présent lors de la levé du corps, citons Atistide Briand, Jean Jaurès, Fernand Greg, Henri Bataille, Henri de Régnier, Georges Courteline, Anatole France et Octave Mirbeau.
« Les obsèques de Jules Renard ont été
émouvantes. Nulle cérémonie ne les a accompagnées. Sa volonté d’homme lucide
avait réglé dans tous ses détails l’“absence” de tout apparat, de toute
solennité. Et ce fut néanmoins infiniment solennel, j’en appelle à ceux qui
étaient présents, dans la rue, à la porte de la maison mortuaire. Il n’y avait
pas eu de lettres de faire part, ni aucune forme d’invitation. Les journaux qui
avaient annoncé la mort de l’écrivain avaient aussi annoncé le jour et l’heure
où il quitterait la maison qu’il habitait à Paris pour retourner à la terre
maternelle. Cela suffit pour que tout le monde ait été exact à ce rendez-vous
implicitement donné, tout le monde des livres, des journaux, des théâtres, qui
venait saluer l’homme de lettres, le polémiste républicain, l’auteur
dramatique. On attendit là environ une heure, dans cette triste rue encombrée
de travaux, de minute en minute la foule augmentait. La voiture qui devait
faire le trajet de la maison à la gare arriva, et bientôt les porteurs du
cercueil apparurent, passèrent, tout le monde se découvrit, salua une dernière
fois l’homme de talent et l’homme de bien, le cercueil enfermé avec quelques
fleurs dans le fourgon, et ce fut tout. La voiture partit, accompagnée du fils
et de deux amis du disparu, et c’est ainsi que Jules Renard, au milieu de
l’immobilité et du silence de tous, fit ses adieux à tous, à Paris, à ce qui
avait été sa vie de littérateur. On éprouva vraiment la sensation du départ
brusque, rapide, discret, hautain et le spectacle eut une grandeur et une
dignité que l’on ne peut oublier ».