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Le Blog de Michel Benoit
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Le Blog de Michel Benoit
14 mars 2009

J'aime la forêt

J'aime la forêt. Mon itinéraire de vie me conduit, me ramène de la forêt des Landes à celle du Morvan...

9782952192033FSJ'ai vu disparaître en trente ans la forêt celte du Morvan. Je représente ce pays. Je n'ai rien pu faire pour le défendre. Que faire contre la coalition de la loi, de l'administration et de l'indifférence ? Se battre assurément. Pour éveiller l'opinion, j'ai multiplié les débats, les colloques, pris part aux rares groupes et comités qui tentaient l'impossible. Le conseil général de la Nièvre a consacré des sessions à l'étude de ce problème, appelé en consultation les meilleurs spécialistes, engagé sa responsabilité financière dans des projets de sauvegarde. Paris n'a jamais répondu que par bordées d'axiomes. Économie, économie d'abord! A quoi bon ces chênes qui exigent un siècle pour la maturité, ces hêtres dont la fibre refuse de s'intégrer aux techniques rentables de la cellulose, ces frênes, ces charmes, ces trembles, ces bouleaux? Chaque semaine, par centaines d'hectares, la forêt de lumière tombe sous l'assaut des scrapers. Place aux résineux. Que dire aux petits propriétaires du cru ? De 1946 à 1973, le fonds forestier a réservé ses primes et ses prêts aux plants qui poussent vite. Vite, vite, la terre et la sève et le bois doivent plier le cycle des mûrissements au rythme de l'homme pressé. Les grandes compagnies achètent nos collines, rasent nos horizons. J'ai reçu de ma banque parisienne un prospectus qui me vantait le profit à tirer de la prochaine tonte de la forêt de la Gravelle, voisine de Château-Chinon...

On ne s'inquiète ni du débit des sources ni de l'acidité des sols, ni du climat qui change, ni du gibier qui fuit, ni des oiseaux qui se sont tus. On a râpé la roche du Beuvray : j'y ai cherché en vain la trace des chemins creux que bordaient - jusqu'à une date récente - les hautes souches de la hêtraie, mémoire d'une histoire plus vieille que César...

Partout, la forêt meurt. Et le boqueteau, la haie, l'espace vert. L'autoroute, la ville, les professionnels de l'argent et, plus encore, le simple goût d'anéantir l'œuvre du temps, d'affirmer un pouvoir sur l'humble ordre des choses, de tirer du fugace le sentiment de l'éternel, précipitent l'événement ".

L'Abeille et l'Architecte, Flammarion, 1978, pages 294 à 296

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