SAINT JUST APOGEE D'UN SILENCE, DERNIER REGARD
LA CRITIQUE DE JEAN-NOËL LEBLANC
On connaît
finalement peu Louis Antoine Saint-Just. Danton et Robespierre ont pris la
place majeure au fronton des années révolutionnaires. Michel Benoît reconstitue
ses derniers instants, alors que, arrêté par ses anciens amis, il attend dans
sa geôle l'exécution prochaine, auprès de son mentor, Robespierre, la mâchoire
fracturée d'un coup de pistolet. La Révolution a dévoré ses enfants, ou plutôt les
affairistes et les opportunistes ont accaparé le pouvoir et chassé les
intransigeants.Sombre période,
alors que les espoirs ont laissé place à la terreur. Horrible machine à broyer, où dénoncer son voisin sur des présomptions ou des
malveillances peut suffire à le faire guillotiner. Derniers instants pour
Saint-Just, qui se tait ; mais il pense, et la plume de Michel Benoît, à la
première personne, nous restitue ses méditations, les souvenirs de sa vie, sa
petite enfance à Decize et Verneuil, les années désordonnées de sa folle
jeunesse, puis le sens trouvé pour guider son existence, la volonté politique
de rejoindre les progressistes en marche et d'agir pour la République.
Un extrait :
"Saint-Just... A lui seul, ce nom prononcé, au dire des témoins de
l'époque, faisait trembler les plus grands, les plus hardis, les plus féroces,
les plus déterminés. (...) Cet homme a vingt-six ans en 1794, c'est un jeune
homme qui est à la hauteur de toutes les tâches qui lui sont confiées, et qui
réussit, quelque soit la mission, dans ses discours pour dénoncer les factions
qui complotent pour rétablir la royauté, dans ses propositions de lois ou
d'institutions pour réduire les inégalités et donner à la République les fondements légaux qui la feront passer de la volonté politique à la culture de vie d'un peuple, enfin parmi les soldats de l'An II, aux frontières du Nord, sous la mitraille ennemie, pour gagner ou regagner les frontières qui sont les nôtres aujourd'hui.
Cet homme, ou
plutôt ce jeune homme, a vingt-six ans et pourtant, il va mourir, là, dans
quelques heures, sous la hache de la Guillotine.et de la main de ceux qui l'avaient
élu, il y a plus d'un an, au grand Comité, et qui le sacrifient ce jour du 10
Thermidor."
Sans en avoir
l'air, Michel Benoît, le "Rouletabille de l'Histoire"' nous offre
dans ce récit poignant une excellente leçon d'humanité tout en rafraîchissant
nos connaissances.
Jean-Noël LEBLANC